Vincent Mangeai architecte EPF-L, FAS/SIA du GRC (Groupe de recherche pour la construction 1260 Nyon Tél. (022) 61 70 22-23
Bernard Boujol architecte REG Architrave H. Robert et G. Wutrich, architectes 2800 Delémont pour la surveillance du chantier
Pour cette maison et comme chaque fois qu’il est question de bâtir, il est exclu qu'une forme de réponse architecturale émerge d'une introspection des contenus dont les caractéristiques intrinsèques et les proximités relatives seraient explicatives et justificatives. Ceci n’évacue pas l’idée que le plan révèle toujours un contenu idéologique ou ce que L. Kahn appelait «le mode de vie». Ce « mode de vie» pour lequel, disait-il, on bâtit, plus exactement que pour Pierre, Jacques ou Jean. C’est alors l’idée de structure qui s’impose. Structure veut dire ici l’ensemble de relations exprimé par des systèmes interdépendants. On posera successivement et simultanément sur le contenant (territoire aménagé) et le contenu (la maison), les repères capables de révéler la présence ou l’absence (critique) de systèmes, associables et disponibles. La « réponse architecturale» révélant au bout du compte les questions posées.
On a ici le parcellaire type de la zone dite de villas dont l’élément relationnel majeur est la voirie; les règles et règlements ne disent rien des rapports et relations des parties entre elles, hormis les périmètres et gabarits d'évolution, et c’est au vide, l’interstice réglementaire qu'est dévolu une sorte de rôle régulateur. C’est «l’ordre» dit non continu ou discontinu évacuant tous les rapports actifs de bâti à bâti, consacrant la passivité et sublimant l’indépendance, toutes références astructurées comme garantie d'une sacro-sainte indépendance qui serait fondamentalement attachée à l’idée même de propriété et de maison «individuelle». Les maisons occuperont donc le centre des parcelles et l’on tentera à grand renfort de haies de faire quelque chose des espaces résiduels pour garantir cette indépendance tant convoitée. La maison ANNAHEIM à Rossemaison veut dire très exactement le contraire puisque c’est toute la parcelle qui est bâtie. Un «mur épais» dur et protecteur est d'abord posé comme limite. Limite opaque de la maison et limite bâtie de l’espace extérieur de la maison voisine (un mur pour deux ou mitoyen, mais attention c’est interdit...). Un jardin bâti de murs propose l’en face que l'aménagement refuse. La maison
La maison veut être explicative et récapitulative de l’attitude critique retenue pour le lieu. Sur le thème protecteur/protègé, mur épais/maison, les matériaux maçonnerie/bois montrent à tous les degrés les systèmes interdépendants constitutifs de l’idée de structure. Le plan très exactement composé d’une succession alternée de travées spatialement déterminées selon les termes de hiérarchie majeur/mineur, parcours et lumière, propose dans toute sa consistance formelle une règle (ensemble de systèmes interdépendants) ponctuée d’exceptions. La centralité et la symétrie consécutives à la juxtaposition de cinq travées dans le corps central offrent le support à une sorte de «déboîtement» exprimé par la lucarne en forme de bow-window dont le «déhanchement» retentit dans toute la construction (lieu de repas, chambre à l'étage, escalier...). Le panneau de bois (trois couches) est distendu pour réinventer une épaisseur à travers laquelle les vues droites sont contractées et cadrées. Post-scriptum qui a quelque chose à voir: A. Einstein : «Je ne crois pas, au sens philosophique du terme, en la volonté de l’homme. Nous agissons tous sous une pression extérieure et une nécessité intérieure.»