Le bon état de la charpente et des murs à colombage m'a évité de devoir reproduire la forme originelle de la maison et en particulier de son toit, dans le seul but de répondre aux prescriptions de la protection du patrimoine et du droit de la construction. Le cas échéant, je n'aurai pu qu'imiter une forme d'architecture ancestrale sans toutefois pouvoir faire exécuter le remarquable travail artisanal qui Ta fait naître. J'abhorre, en effet, les prescriptions se trouvant dans certains paragraphes de règlements de construction qui érigent «l'imitation» des formes architecturales historiques en principe contraignant lors de l'établissement de projets. Les imitations ne nous incitent-elles pas à croire que nous n'avons pas de réel problème à débattre avec les formes d'expression architectonique de notre époque? Les imitations ne sont-elles pas simplement des produits de mauvais goût? Je ne nie pas que le toc fasse partie de la parure quotidienne et qu'il soit en quelque sorte un baume pour le cœur et l’esprit. Je puis même l'estimer lorsqu'il sert de plaisanterie et d'ironie personnelle, qu'il a été construit dans ce but et se reconnaisse comme tel. Dans mon projet de transformation, j'ai pris comme point de départ les caractéristiques du toit, sa géométrie et sa coordination dimensionnelle. J'ai, par ailleurs, décidé de conserver fidèlement le volume sous le toit et la charpente comme totalité à l'intérieur de la maison, malgré les aménagements et les annexes nécessaires. Cette intention est née de la volonté de conserver leur-autonomie aux anciennes et aux nouvelles parties du bâtiment, tout en combinant simultanément leur forme.- Je veux dire par là qu'un dialogue sjnstaure par l'échange de pensées entre deux partenaires égaux en droit et qui s'expriment dans un langage similaire. Je suis d'avis que la combinaison entre l'ancien et le nouveau doit obéir à la même règle. A Altenberg, la disposition et l'aménagement de la maison ont été dictés par la géométrie du toit: le plan de l'étage supérieur est perpendiculaire au First, en trois parties; analogue en cela à l'ancienne répartition du volume. La disposition symétrique de l'ensemble est rompue sciemment par des détails secondaires, tels qu'ouvertüres, sources lumineuses, meubles et couleurs. Le volume ouvert sur deux étages et l'annexe prévue à l'arrière de la-maison m'ont donné la possibilité de reprendre le thème de «l'arrondi», pour ainsi dire inversé. Il fait partie de l'aspect de la maison sans empreindre, en règle générale, le caractère du volume intérieur. En reprenant «l'arrondi» pour l'annexe arrière, j’ai créé, en rappel de la façade extérieure, une ■ façade frontale pour le volume intérieur et simultanément une abside au séjour, à une seule nef. Vue de l'extérieur, l'annexe en forme de voûte est traitée comme le remplissage d'une couverture de mur extérieur et sa couleur est identique à celle des murs et des corniches en bois de la façade frontale qui donne sur la route. En ce qui concerne le sgraffite, document historique au même titre que «l'arrondi», j’ai tenté de concrétiser d'autres réflexions. J'éprouve du respect pour le sgraffite, mais à distance, comme pour une plaisanterie du temps passé. C'est aussi la raison pour laquelle les balustrades rénovées des balcons donnent l'impression d'être des découpes en papier. La façade côté route est le symbole d'une image-que je ne peux pas prendre au sérieux, comme une image d'Epinal. Confronté à un problème de transformation, je tente de répondre aux questions suivantes : Que puis-je raisonnablement tirer de l’ancienne substance existante d’une maison pour répondre aux besoins actuels et à mes intentions? Quelles sont les caractéristiques qui restreindront ma liberté d'action? Comment puis-je intégrer d'anciens fragments d'un tout architectonique d'antan dans un autre ensemble? Je ne partage pas l'avis qu'il faut démolir a priori une ancienne construction au nom du progrès, pas plus qu'il faille conserver, voire reproduire, un bâtiment historique par pure sentimentalité. Mais je suis convaincu que nous devons nous préoccuper sérieusement de nos biens construits par le passé et qui existent encore. «Que deviendra une maison» dont je supprime Tune ou l'autre partie pour la remplacer par une nouvelle? La nouvelle partie peut sans autre porter ma griffe, celle de mon temps et de ma réalité. Les anciennes et les nouvelles parties doivent être étroitement unies et dialoguer entre elles. J’estime que c'est ainsi seulement que Ton parviendra à une conservation de’valeur, qui dépend aussi bien de l'estime que Ton porte au passé que de celle que Ton accorde au présent.
Nombreuses sont les raisons qui veulent que la transformation de bâtiments, de quartiers urbains et ruraux demeurera la tâche •principale de notre génération. Nous avons sérieusement commencé à nous préoccuper d'établir des principes raisonnables concernant la pratique de la transformation. C’est avec certitude que nous pouvons néanmoins admettre que ce n'est pas en reniant l'architecture contemporaine que nous parviendrons à transmettre celle d'antan. Sinon, où les générations futures, qui voudront également transformer, trouveront-elles encore les traces de l'histoire?