10 ans! 50 numéros! 1600 pages! Tel est le magnifique bilan réalisé à ce jour avec AS. Durant ces années, nous avons reçu des critiques, et c'est heureux car la critique est source de progrès. Mais aussi combien d'encou ragements, de conseils, d'appuis ! Le dernier, et non le moindre, celui de la SIA.
Mario Botta transfigurateur de la géométrie Par l'analyse sans préjugés des œuvres de Mario Botta, on peut facilement en déduire que certaines grandes questions posées par l’architecture du présent et du devenir ne sont pas restées sans réponse. Face aux réalités persistantes d'un enjeu capital, un dialogue positif sur les problèmes de fond a clairement été établi. Les résultats, en partie prévus et escomptés d'avance, sont vérita blement remarquables. Pour s'en convaincre, qu'il suffise de se référer à la maison ronde Medici, que Botta a élevée à Stabio et qui s'inscrit dans le registre prometteur des inventions et des idées novatrices adaptées ou conformes à la topologie existante et à des éléments appartenant aux constantes traditionnelles. Poésie pure, a dit Mario Botta. Combien nous sommes heureux de pouvoir lui en être reconnaissants. L'œuvre de Mario Botta doit être située dans le cadre d'une créati vité dont les expressions majeures échappent aux schémas frus trants des aménagements fallacieux et des lotissements anonymes. Son idéographique cylindre à habiter s'enveloppe en effet dans les valeurs cosmiques, spatiales et paysagesques d'un environnement d'où il tire sa propre origine et sa nature, particu lière, et auquel il offre les richesses d'une nouvelle identité terrienne. y De siècle en siècle, de civilisation en civilisation, la forme ronde a brillamment suivi son cours. Des constructions curvilignes néoli thiques de Malte et de Crète aux sesi de Pantelleria, aux talayots des Baléares et aux specchie salentines; des anneaux et des cirques mégalithiques aux tumuii de la préhistoire, aux habitations cylindriques de la période énéolithique européenne et aux bories de Vaucluse; des nuraghes sardes de la protohistoire aux trulli des Pouilles; des tholoi grecs aux mausolées romains; des basiliques, cryptes et baptistères médiévaux au Tempietto de Bramante; des pigeonniers et colombiers monumentaux de France et aux cônes mexicains de Santa Monica, en passant par la maison sphérique des gardes agricoles de Ledoux, les moulins .portugais de l’Alentejo, le temple théosophique de Brinkmann et van der Vlugt, le réservoir d'eau (avec bureaux et laboratoires) de van Ravesteyn, la résidence à Chertsey de Mac Grath et la maison du gorille de Londres, des architectures modelées par la splendeur géométrique illustrent bien le symbolisme et la magie du cercle construit. Aujourd'hui, en vertu d'une correspondance entre les idées, les principes et les nombres, Mario Botta a défini la souplesse d'un plan circulaire de dimensions réduites, dont la synthèse optique, plastique et morphologique se rassemble dans un unicum captant l’espace et la nature.
Merci à tous ceux qui, dès le début, nous ont aidés à réaliser cet impressionnant travail. Continuer et améliorer encore cette information dans l'intérêt général de l'architecture, c'est ce que nous voulons; sans esprit sectaire, mais en cherchant à présenter les efforts les plus remar quables des architectes en Suisse. Anthony Krafft
Tout en restant dans l'ordre et les normes de la fascination fonc tionnelle et du dynamisme des articulations structurales, Botta donne parfois inconsciemment à ses architectures, quelles soient grandes ou petites, des semblances et des profils fabuleux. En 1967, toujours à Stabio, nous eûmes le sphinx de sa maison unifa miliale et, maintenant, en 1981, nous admirons le masque que représente son édifice circulaire. Il arrive encore que le prestige attaché à une méthode qui a pour tant fait les preuves de sa fécondité et de sa validité soit cependant la source d'un courant régressif. Tel n'est pas le cas de Mario Botta, qu'inspirent souvent la lucidité cristalline palladienne, les tracés régulateurs, les solides composables et la mystique phalanstérienne, car il continue et transpose la rigueur créatrice du premier rationalisme. Avec la maison ronde de Stabio, Botta ne poursuit pas seulement un rêve légitime, mais il actualise un volume habitable dont la texture de l'image est aussi parfaite à l'intérieur qu'à l'extérieur. Sous son impulsion génératrice, la géométrie se transforme en lyrisme et, par le truchement de la construction, une harmonie surgit de l'ombre pour aboutir à l'exaltation de plans circulaires à convergences centrales. Ce cylindre, que Mario Botta tranche verticalement et transversa lement sur son axe, pour y introduire une plus grande lumière et y faire pénétrer le ciel (toujours par le miracle d'une géométrie qui dessine la toiture transparente à base rectangulaire et à section triangulaire), y accueille également la transparence et la brillance d'une atmosphère particulière, la chaleur et les secrets de l'intimité. Manifestations évidentes et visibles d'une intransigeance esthé tique et plastique, autant que scientifique, les édifices de Mario Botta, conçus pour être placés comme un pivot dans l'écrin formé par le paysage et le territoire, sont des corps vivants et des visages d'architecture construits aussi pour personnifier l'environnement. Une des conditions majeures de l'efficacité des thèses de Botta, est de faire abstraction d'un certain nombre d'interrogatifs qui pourtant surviennent inéluctablement. Il n'entend pas procéder au morcellement du réel qu'il envisage d'aborder par l'esprit. Sa médiation première est philosophique et sociale avant que d'être logique. Botta insuffle dans ses thèmes le sens quelquefois hermé tique de la découverte. Il pense d'abord pour construire ensuite. Chez lui, l'intuition précède la raison. Expérimentation et vérification d’hypothèses, et formalisation authentique et originale de leurs principes, de leurs accents et de leurs composantes, la maison de Mario Botta associe l'antique valeur et le prestige du cercle au culte moderne d’une vie qui pourra s'y écouler selon des rythmes sereins et humanisés. Alberto Sartoris