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Une nouvelle tendance architecturale: le répressionnisme

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« L'artiste, le poète, le créateur de beauté, tous ceux-là sont voués à cette fatalité héroïque: «agir dans la liberté». (...) C'est debout, en état de guerre avec la société, que ces œuvres ont été conçues et forgées. F. Léger

L'analyse statistique des répertoires annuels des revues d'architecture internationales mène à des constatations inattendues : d'entières régions autrefois connues pour l'effervescence de leur culture architecturale n'émettent plus aucun signe culturel qui soit intelligible. On peut tenter d'expliquer ces déclins localisés par une mauvaise transmission des informations aux rédactions ou par un tri sèctaire du matériel mis à leur disposition. Ces hypothèses résistent cependant mal à l'objection que le phénomène frappe l’ensemble des publications indépendamment de l'étendue de son réseau de correspondants et de l'orientation stylistique de ses responsables. Par contre, la coïncidence entre certains territoires politiques et juridiques d'un côté, et les zones désertées par l'architecture et l'urbanisme de l'autre, révèle un lien certain entre neutralisation de la création et engouement à multiplier normes et règlements destinés à régenter le bâtiment depuis le début de sa conception jusqu'à l'achèvement de l'ultime détail. Chaque architecte peut se livrer à une vérification très simple qui lui permettra d'apprécier ces propos et de situer dans quel milieu culturel et légal il pratique son métier:qu'il choisisse, au gré de ses préférences personnelles, un projet des meilleurs maîtres du Mouvement moderne et qu'il le soumette, en fiction, à tous les tamis idéologiques et formels d'une demande à bâtir. Si la liste des points contentieux s'allonge, c'est qu'il se trouve justement dans une région de désertification culturelle. Les partisans de ce paysage lunaire en justifient sa cause, la coercition, par une guerre sainte contre l'absence de talent diffuse et se réfugient derrière des arguments égalitaristes et la crainte du précédent juridique pour excuser les conséquences «articides» de leurs actes. Ils renvoient l'origine de ces maux à un vaste contexte dégradé où toutes les responsabilités se partagent et se diluent dans l'ensemble de la société sans s'apercevoir que leur attitude de refus généralisé ressemble à celle de ce brave fermier qui brûla un jour toute sa récolte pour y avoir découvert quelques plants d'ivraie. Machiavéliquement, ce culte de la contrainte s'appuie sur un chapelet de comités de censure composés, par une distorsion spécieuse des attributions du citoyen, d'un ensemble de personnes étrangères aux idéaux et à l'évolution de l'architecture et de l'urbanisme, généralement plus disposées à lutter contre toute incartade à la banalité, qu'à apprécier l'apport éducatif et culturel de solutions déroutantes à première vue, mais pertinentes.

Quittant la défense de droits concrets et légitimes, ce système astucieux légalise la répression privée fondée sur l'ignorance culturelle et sacralise le pouvoir du grand nombre dont le principal mérite revient à provoquer la chienlit pour la sauvegarde de décombres insignifiants en taisant d'un silence approbateur la démolition d'authentiques chefs-d'œuvre de notre époque. Enfin des architectes eux-mêmes, abusés par une double acception du mot contrainte, cautionnent à leur insu l'accumulation des chicanes qui les entravent. Ils affirment que l'existence de lois indiscutables serait nécessaire à la fertilité du créateur artistique comme le fouet, plutôt que la mouche, l’est à la progression du coche, et que leurs heureux effets croîtraient en raison de l'augmentation de leur nombre. Ils mélangent le fait de dicter des solutions par la force et la simple nécessité de fournir les caractéristiques spécifiques du programme, sorte de thème pour la dissertation construite que devient leur œuvre, avec tout le pluralisme d'opinions et la liberté de traitement qui doivent s'en dégager. Du côté du public, une confusion complémentaire se développe à cause d'une méconnaissance de la situation de l'architecture par rapport à la construction et à la consommation du territoire. Volontairement, et pendant une longue période, on a tu la distinction transcendante entre bâtiment et architecture, entre ensemble de bâtiments et urbanisme. Cet embrouillement habile permit de vendre la médiocrité et la maladresse avec les arguments de la qualité, de constituer le lit d'un mécontentement et de désigner à la vengeance populaire une élite professionnelle plus facile à associer aux bâtiments que les véritables auteurs du canevas de la farce de l'environnement construit. Les calomnies que subit encore un Le Corbusier à la place des copies les plus superficielles et les plus lucratives de ses projets ou la mauvaise foi avec laquelle on accuse l'architecture de provoquer la délinquance ou la destruction d'un site prouvent l'ampleur et la réussite de cette opération de falsification des valeurs. Contrairement à la grossièreté du bâtiment en général, l'architecture éclôt sur un fond de banalité qui lui donne l'occasion de se distinguer et d'affirmer son apport social : abriter un art de vivre et d'habiter, conférer à l'objet une plus-value sensorielle et cinétique, un univers perceptif sans rapport avec les platitudes d'une bâtisse ordinaire. On conçoit aisément qu'un tel propos ne se formule pas impunément dans une civilisation qui se pique de donner du génie à quiconque, indépendamment de ses aptitudes, par simple contagion avec un programme de cours encyclopédique au lieu d'exiger l'exercice ardu de la composition architecturale. Contrairement à l'ambition du droit qui assène sa vérité à coup de sanctions et qui prévoit une seule expression, une seule réponse dictée, l'architecture, en raison de son appartenance aux arts, persuade avec les règles quelle se choisit elle-même, selon une évolution historique qui se renouvelle sans cesse. Pour ignorer cette condition de la création le droit qui désire fixer à jamais un modèle unique - souvent celui de l'horloge-coucou et du phantasme agricole -, réduit tout essai d'architecturer l'environnement à des occasions manquées. Contrairement à la croyance de notre civilisation technique, l'architecture ne surgit pas d'une suite de mauvais traitements que l'on applique à l'idée d'un bâtiment pour le conformer à la totalité des normes et des règlements. C'est pour avoir emboîté le pas de cette démarche mythique que la Nature a commis l'ornithorynque, précurseur des bâtiments d'aujourd'hui qui s'essoufflent à satisfaire également toutes les exigences au lieu d'affirmer des choix au service de l'unité finale de l'œuvre et de l'accomplissement de sa destination spécifique. Pour y parvenir, l'architecte choisit, privilégie, tempère, voire supprime certaines influences paralysantes. Il opère une transmutation entre le normalisé et l'unique, entre le réglementé et le réglé. Il ne subit pas la technique, le site et le programme, il les interroge et s'en sert pour leur trouver un statut existentiel nouveau, une justification d'intégration à un organisme différent de la somme de ses composants. Principale victime d'une vaste manœuvre d'intoxication, le public oublie la nécesité d'une présence de l'architecture dans l'univers de l'environnement bâti. Le droit et les normes pléthoriques se présentent à lui comme un mode d'emploi géant à l'usage de l'apprenti constructeur, une sorte de labyrinthe de garde-fous à la portée de quiconque. Dès lors, à quoi bon recourir à un architecte coûteux et superflu, puisqu'il suffit d'être conforme ? Pire, pourquoi risquer des alternatives au conventionnel si elles entraînent des délais et des tracas supplémentaires? Et puisque l'esthétique du coucou et du rustique bucolique fait doctrine, pourquoi ne pas améliorer les autres zones de construction avec d'aussi sages principes : on exige peu à peu les volets, les toitures à deux pans et les lucarnes pour le logement collectif, les bâtiments publics et même les usines? Le créateur déchu devient l'exécutant de volontés anonymes et doit quitter sa fonction d’auteur pour recopier sempiternellement les modèles officiels élaborés à partir d'idées et de modes de vie communs. Pourquoi augmenter la qualité d'espace des logements si le moindre changement de niveau constitue un crime de lèse-handicapé, la moindre transparence entre étage une naïveté financière, et la moindre

tentative de nuancer les relations avec les extérieurs un abus foncier? D’ailleurs, dans les régions architecturalement aseptisées, l'on ne peut plus compter sur la fonction éducative des «mass media». La construction ne se vend qu'aspergée de scandales et de drames, et rares, mais précieux, sont les articles qui daignent expliquer l'intérêt de ce qui se fait d'exemplaire sans mettre en circulation des vérités de calicot aux effets secondaires incontrôlables. L'un ou l'autre de ces slogans fait périodiquement surface au gré des éphémérides de la démagogie : l'architecte rechercherait la gloire des cimaises des galeries d'art plutôt que le dur parcours du combattant qui mène au terrain à bâtir. Ce type de boniment se conclut généralement par une exhortation à se défier de ces manifestations exclusivement imaginatives et esthétiques, dont la preuve évidente serait apportée par la lisibilité graphique et picturale des planches. Le désir de clarté visuelle est une simple marque de politesse vis-à-vis des visiteurs et le fait d'aboutir dans une exposition d’architecture ne dénote pas obligatoirement une carence. Par contre, ces griefs escamotent l'immense bénéfice social qu'apporte une œuvre de haute tenue, qu'on la découvre dans un musée ou réellement construite en vraie grandeur. Même destinés à une élite, architecture et urbanisme réussis servent de défi lancé aux autres catégories sociales, pour d'autres programmes. De plus, pour ces tribuns de quartier, l'architecte imposerait aux habitants «sa» maison et «sa» ville et non pas «leur» maison et «leur» ville. Et que serait donc devenue la ville que les Romains d'aujourd'hui appellent «leur» Rome et que l'on trouve sur les billets de banque si les architectes baroques avaient écouté la populace et non pas leur probité intellectuelle de créateurs? L'Histoire montre sans discontinuer que l’architecte ne peut éviter de projeter le reflet de son âme dans ses œuvres. L'en empêcher, c'est un peu le supprimer comme témoin gênant d'une qualité qui ne s'enregistre pas sur les écrans de la «thermovision» ou sur les pointilleux graphiques des levés d'arpenteurs. L'évolution de cette mentalité qui vise à manipuler l'architecte comme un outil mène à des méthodes répressives sans précédent. Récemment, un architecte de talent ne fut-il point traîné en cour pénale pour avoir omis la corniche réglementaire qui eût ridiculisé son œuvre ? L'anecdote démontre que les temps ne sont plus à la plaisanterie et préfigure le sort qui nous est réservé au détour de quelque «harmonisation» suprarégionale ou supranationale des législations de notre branche. Comment réagir avant l'écroulement et le déluge promis par la fable à cette tour de Babel qu'est devenue l'architecture, où chaque ouvrier palabre isolément dans son jargon et tente de retourner les plans à son profit? Les donneurs de conseils les plus écoutés estiment sans rougir qu'il faut encore sacrifier une ou deux générations d'architectes, le temps qu’un mouvement spontané de scolarisation des masses se soit accompli et que ses bénéficiaires aient rejoint les postes de commande de notre société. Nous n'y croyons guère, parce que cette sorte de missionnariat réclame la distraction de l'ensemble des forces créatrices d'un métier au profit de l'enseignement primaire et secondaire, au moment et aux endroits où les bons exemples de constructions se raréfient, et parce qu'on n'assimile pas avec autant de facilité une matière dont le moindre manuel comprend un texte ardu de trois cents pages et d'autant de figures à déchiffrer avec attention et bienveillance. L'âction doit être immédiatement efficace. Il ne faut plus transiger sur le grignotage de la liberté d'expression artistique et technique, l'un des droits de l'homme que l'Occident prétend défendre, car une fois le compte de l'architecture réglé, on agira de même pour les autres arts figuratifs. Pour donner au peuple d'oisifs du pain et des jeux, le législateur pourrait bien aussi réglementer la statuaire, la peinture et la musique, en les soumettant aux mises à l'enquête publique avec droit d'opposition et de recours. Des associations vraiment préoccupées par les buts idéaux de la pratique du métier d'architecte doivent contrecarrer l'apparition de ces excès et obtenir des lois faites pour l'architecture, distinctes de celles de la construction. Elles devront encourager la promotion de concours et offrir des procédures nouvelles pour les objets où ce type de confrontation n'est pas souhaité. On devra aussi réviser l'accession au statut d'opposant, et soumettre les intéressés à des cours de recyclage, avec contrôles périodiques, afin de contenir les abus. Enfin, les architectes devront prendre conscience qu'il faut cesser de se quereller à propos de commas devant des auditoires incapables d'apprécier si la véhémence des participants correspond à l'importance du litige. L'avenir de notre profession passe par la reconnaissance du droit à la tolérance et par l'inviolabilité de notre espace créatif. Guy Collomb Architecte SIA

Architectures à Paris 1848-1914 Collection «Espace et Architecture», Dunod, 2® édition 1984, 216 pages. 310 illustrations. 20 x 21,5, 160 FF, ISBN 2.04.015660.7.

Livre d'architecture, sans doute, mais aussi guide d'une période de la construction parisienne injustement réduite à la tour Eiffel ou aux pavillons de Baltard, cet ouvrage entraîne le lecteur à la découverte d'une architecture «familièrement inconnue»: il a fallu bien des années pour admettre que ces constructions étaient aussi de l'architecture, sans doute parce que, trop coutumière, nous, ne la voyons plus Villas, immeubles de rapport, musées, marchés couverts, magasins, ateliers, écoles, gares, théâtres, bibliothèques... plus de 300 œuvres sont ici présentées, depuis la marquise du restaurant de la Grande Cascade jusqu'aux stations du Métropolitain, en passant par les immeubles d'affaires de la rue Réaumur ou la passerelle reliant la gare Saint-Lazare et l'Hôtel Terminus. Au fil de ces pages, abondamment illustrées de photos et de dessins, P. Chemetov et B. Marrey nous présentent ceux qui firent de Paris la capitale du XIXe siècle. Les auteurs de ces réalisations modestes ou prestigieuses se nommaient alors Labrouste, Hittorff, Bienvenue (dit «le père métro»), Guimard, Lavirotte, Davioud, Hennebique... Ils nous ont laissé en héritage un univers de métal et de verre, de brique et de céramique : le paysage de notre vie quotidienne. Fondeurs, entrepreneurs, ingénieurs, architectes, tous ces grands «concepteurs» seraient peut-être définitivement oubliés si une annexe de l'ouvrage ne leur était consacrée, avec renvois aux réalisations répertoriées dans le courant du texte. En annexe également, dans cette nouvelle édition, mise à jour et augmentée, deux index supplémentaires : l’un, alphabétique, est relatif aux lieux cités : l'autre, thématique, indique l'emplacement dans le livre des bâtiments préalablement classés par type. Ces différents documents - permettant de croiser les lectures chronologique, thématique et géographique - complètent l'aspect pratique de l'ouvrage. Les auteurs Paul CHEMETOV, architecte, participe dès 1961 à la fondation de l'Atelier d'urbanisme et d'architecture (AUA), dont il reste l'un des principaux animateurs. Il est également professeur d'architecture à l’Ecole nationale des ponts et chaussées. Le Grand Prix national d’architecture lui a été décerné en 1980. Bernard MARREY, journaliste, est l'auteur de plusieurs ouvrages sur l'histoire et l'architecture. Son guide de la région Rhône-Alpes a été couronné en 1982 par le Grand Prix de la critique architecturale.