La recherche d’attention de la part des régions touristiques conduit souvent à des malentendus. Dans le but de plaire aux visiteurs, on décore souvent les places et les rues avec des éclairages, on y installe des caisses à fleurs en bois, des drapeaux et toutes sortes d'objets d’art. Tout ceci ne cache le plus souvent que des situations problématiques… J’ose affirmer que si la substance élémentaire est bonne, elle possède suffisamment de rayonnement et de force pour créer un effet de bien-être sur le spectateur. Dans un village, cette substance n’est le plus souvent que l’expression du rapport des bâtiments avec les espaces qui les entourent. Est-ce que cet espace est directement limité par les façades ? Y a-t-il des murs ou des clôtures qui définissent l’espace de la rue ? Y a-t-il des éléments plantés et non pas construits qui ont une contribution spatiale et qui définissent l’espace public, tels que des rangées d’arbres ou des haies ? Ou la maison est-elle implantée au milieu de sa parcelle, en fonction des distances légales, et l’espace public s'apparente à un espace résiduel ? Comment se présentent les limites de parcelles ? Est-ce qu’elles contribuent à la création d’espaces, ou ne sont-elles compréhensibles que par le géomètre ?
L’espace public, c’est chaque interstice entre les bâtiments. Il s’agit de le définir et de l‘aménager comme tel, en tant que partie d’un ensemble dans un ordre hiérarchique et logique d’espaces. À une époque où chacun cherche à exprimer son identité à l’extérieur, il serait doublement plus important de définir ces limites. Si un espace public est bien défini et aménagé, selon des règles valables, ce qui se cache derrière aura moins d’importance. Les communes atteintes par le problème des résidences secondaires cherchent par tous les moyens à sauver la matière bâtie au moyen de plans d’aménagement et de prescriptions quant aux choix des matériaux. On répertorie des matériaux existants pour les rendre obligatoires afin d’unifier les aspects des quartiers, historisants ou pragmatiques selon les cas, mais tout cela sans développer une vision d’ensemble. Or la vraie problématique de ces bâtisses, ce n’est pas leur aspect architectural ou leur matérialisation, mais leur rapport au terrain en pente. Souvent on manipule le terrain de sorte à dégager le rez-de-chaussée situé contre la pente – les maisons ne sortent pas de terre, mais se noient dans un trou qu’on a creusé. À Flims, dans un quartier pourtant privilégié sur la « promenade », on trouve une maison qui aura été abaissée d’un niveau par rapport au trottoir au moyen d’un talus. Sa vitrine n’a presque pas de rapport à l’espace public. Les accès aux garages enterrés coupent le plus souvent l’espace public n’importe comment. L’utilisation sensible de la topographie existante est un défi majeur dans les Grisons.
Non seulement les maisons des villages, mais également les routes, les ponts et les places de stationnement (ces dernières atteignant souvent des dimensions considérables dans des régions touristiques) exigent une précise insertion dans le paysage, des mouvements de terre soigneusement définis, pour obtenir une bonne adaptation à la topographie. Nos montagnes subissent un processus de civilisation pour les rendre accessibles aux humains. Ainsi tout le paysage devient finalement un espace public des Grisons. Nous portons une grande responsabilité par rapport au paysage en l’équipant de cheminements et d’infrastructures sans porter atteinte à la nature, en accentuant sa beauté, comme cela a été le cas, par le passé, des églises et des châteaux qui se trouvaient souvent aux endroits les plus proéminents et contribuaient à la mise en scène des sites. Le château fort de Mesocco s’est approprié un éperon rocheux ; c’est lui qui s’est transformé en son socle et l’a manipulé de telle sorte qu’on ne peut plus imaginer le rocher sans son château. Le petit bout de tunnel situé au-dessus encadre son image pendant un bref instant. À chaque fois que je passe au Tessin depuis les Grisons, je me réjouis du moment de cette apparition.
Selina Walder