Architecture Suisse

LIBRE

Conserver = transformer

Auteur(s)
Aurelio Galfetti
Rubrique(s)
LIBRE

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J'essaierai d'expliquer qu'il ne peut y avoir de véritable conservation sans transformation. De nos jours, les travaux de restauration sont de grande actualité: aujourd'hui l'on restaure tout, on protège tout, on conserve tout, on défend tout et je pense que cela soit nécessaire. Cependant, je pense aussi ne point exagérer si je dis que nous vivons une période de RESTAURATION. C'est nous qui l'avons amorcée. Ma génération, entre 1960 et 1970, alors orpheline des maîtres, aidée par Kahn, Rossi, etc., s'est adressée au passé en tentant de trouver son propre chemin. Le passé comme ami: c’était la devise, innovatrice d’un concours de Mario Botta vers 1970. Et le passé, appelé à la rescousse, est arrivé, mais comme une avalanche, et il est en train de nous emporter. Les signes les plus visibles et les plus assommants de cette régression, en architecture, ce sont les triangles, les cercles, les frontons, les colonnes, les chapiteaux qui poussent un peu partout, surtout dans les lotissements de la périphérie qui sont les gymnases des nouvelles générations. En plus de tout cela, dans la vague, le goût et le bon sens communs affirment que tout ce qui est vieux est aussi beau et surtout il refuse ce qui est nouveau s'il n’est peint en rose ou en bleu clair. Le gris, le béton armé, sont des fautes, et le vert est l'ange libérateur qui nous sauve du ciment. Tout ce qui est vieux est à conserver, tout ce qui est nouveau à démolir et à remplacer, si possible, avec l’imitation du vieux. Les architectes, en général, au lieu de construire leur propre maison neuve, restaurent les vieilles et les administrations ont plus de facilité à promulguer des plans de protection plutôt que de construire des édifices publics qui soient nouveaux. Dans ce climat, la restauration est perçue comme le travail «juste» par lui-même, le travail qui est«immanquablement beau», particulièrement s'il est, comme l'on dit, de conservation. Cependant, la restauration est le remède à l'impuissance de notre métier (de notre siècle) à produire des modèles authentiquement nouveaux et représentatifs de nos idéaux et de nos institutions. Il est évident que ce sont des thèmes complexes, qui dépassent la seule discipline de l’architecture, et pour lesquels il faudrait des considérations bien plus profondes que les miennes. Je crois toutefois que c'est seulement si j'explique ce que je pense, en me tenant étroitement à la discipline de l’architecture, que je pourrai contribuer à les éclaircir. Nombreuses sont en effet les équivoques qui compliquent ces problèmes déjà difficiles. Surtout entre architecture et écologie, et les erreurs dans la discipline respective augmentant la confusion. Ainsi, considérer une petite plate-bande au milieu du trafic comme un poumon pour la ville, c'est une chose impardonnable pour un architecte. Se battre pour sauver des plantes en décrépitude et empêcher leur remplacement par d'autres qui seraient plus belles ne me paraît pas être un travail d'écologiste. Exiger, par exemple, le taux de 30% de surface verte inutilisable sur toute parcelle en ville afin de garantir«une meilleure qualité de vie», correspond à accroître les périphéries et, par voie de conséquence, à diminuer les surfaces vertes qui comptent vraiment. Ce n’est pas un travail d'urbanisme et cela ne sert pas à l'architecture ni à l’écologie, et surtout cela ne sertf pas à l'homme. Je parlerai donc de restauration avec le propos d'en définir les limites, en cherchant surtout à éclaircir les équivoques, et au moins la plus grosse, celle qui veut que la restauration soit la récupération du passé. J'essaierai d'expliquer que la restauration n'est pas la reconstruction du passé, mais l'actualisation du passé. La restauration, comme on l'a définie souvent de façon réthorique, n'est jamais le renouvellement de l'antique splendeur. La restauration, en architecture, est toujours transformation, parce qu'il est vrai que l'on restaure pour conserver mais parce que l'on restaure aussi pour répondre à des exigences nouvelles, à des «contenus» nouveaux. En ce sens, la restauration est un travail d'architecte, et le projet de restauration est un projet d'architecture normal. Je dis cela parce qu'aujourd'hui l'on tend à croire que la restauration est soit un travail de groupe, soit, dans le pire cas, un travail de spécialiste. De plus en plus, l’architecte est invité à jouer le rôle de conseiller technique et d'expert, et on le voudrait comme exécutant de directives établies par d'autres disciplines et par d'autres personnes. H n'est pas si rare d'entendre dire que l’architecte est le pire ennemi des monuments et on lui fait seulement confiance s'il renonce au rôle d'artiste, pour devenir un spécialiste.

Paradoxalement, aujourd'hui l'on tend donc à croire que les valeurs créées pendant des siècles par des architectes ne peuvent être comprises et mises en valeur par les artistes eux-mêmes, c'est-à-dire par les architectes. Communément, l'on retient que les valeurs architecturales sont mieux protégées par des commissions où les architectes sont en minorité. Si cela peut éventuellement être vrai pour d’autres métiers, pour le nôtre c'est faux. En architecture, il ne peut exister de restauration sans architecte (dans le sens d’artiste) et il ne peut donc exister de «restauration de conservation» parce qu’en architecture il n'existe pas de scission entre forme et contenu. J'essaierai de m'expliquer en parlant d'un autre phénomène de scission qui assaille de plus en plus le métier d'architecte. Dans la restauration, on demande de l'architecte qu'il oublie d'être un artiste. Lorsque les intérêts en jeu sont nombreux et considérables, on demande au contraire à l'architecte d'être un artiste, mais au sens de décorateur, c'est-à-dire à la fin, lorsque les choses sont déjà faites, lorsque la substance et la signification sont déjà définies. Aujourd'hui donc, l'architecte a bien des raisons de se sentir inutile Mais justement le travail de restauration, à cause de ces aspects, est consolant. Lorsqu'on s'approche d'un monument vrai, authentique, l’on se rend compte que tout ce qui a pris de la valeur dans le temps est le fruit d'un geste subjectif, d'un acte poétique, d'une volonté de synthèse entre de nombreuses composantes et aussi de non-conformisme et de peu de bon sens commun. Une œuvre authentique du passé nous fait comprendre que pour espérer s'approcher d'un minimum de vérité, il faut être radicaux, extrêmes, précis, mais non pas spécialistes. Dans cette optique, ce travail que l'on appelle restauration de conservation, où il y a le spécialiste du crépi, celui de la couleur, celui du bois, etc., c'est-à-dire ce travail, qui divise, qui scinde l'œuvre en secteurs, n'a pas grande valeur et ne mène pas à la conservation mais à la deuxième mort, celle qui survient par restauration ! L’unique vraie restauration de conservation possible est celle qui permet à une construction de mourir tranquillement. Le simple nettoyage, la simple mise en couleurs, c'est déjà de la transformation. Normalement, au contraire, peindre en blanc un salon du XVIe siècle, on le considère comme de la conservation, comme aussi, semble-t-il, le fait de repeindre une façade baroque ou «Art Nouveau» en se basant sur de vieilles estampes ou de vieilles photos. Dans tous les métiers, le fait de récrire, de refaire, de «copier» est considéré comme un plagiat; aujourd'hui, en architecture cependant, le faux est souhaitable, et il est applaudi par le bon sens commun... La nouvelle muraille de la Migros de Cadenazzo ou les façades du petit «Grotto»tessinois du Mövenpicksont des aberrations, mais elles sont les filles de la même pensée, elles sont les filles de l'idée que le passé est meilleur que le présent et, de plus, qu'il est possible de le reconstruire. Pour ne pas tomber dans de semblables monstruosités, il faut penser en d'autres termes. Pour moi, il convient de penser que le projet de restauration est simplement un projet, mais il convient de croire aussi, en parallèle, qu'un projet est toujours un projet de restauration. Je m'explique. Pour moi, restaurer signifie conserver en actualisant. Par travail d’actualisation, j’entends ce travail qui, dans une construction existante, décèle les valeurs les plus expressives et, à trvers la loupe de la nouvelle destination, les repropose sous une lumière nouvelle qui les rend plus lisibles, plus proches de la façon de sortir de notre temps. Restaurer signifie donc établir des rapports, mettre en relation la forme existante et son histoire, avec le contenu voulu au contraire par le présent. Parallèlement, faire un projet pour un bâtiment nouveau signifie donner à un contenu déterminé, une forme évidemment nouvelle qui ne naît cependant pas du néant mais du passé. Le projet de restauration est du projet et réciproquement, si l'on pense que n'importe quelle forme a ses racines dans le passé et si l'on croit que l'architecture naît de l'exigence de donner un espace aux besoins de l'homme. L'homme change au cours des siècles et ses maisons changent et - le contraire - les maisons changeant, l'homme change. Récupérer, reconstruire le baroque ? Et puis trouver«les baroques» (hommes et femmes) à mettre dedans... Pour le Château de Bellinzone, il était peut-être plus facile de trouver quelque être médiéval ou néolithique..., j'ai préféré travailler pour la cité et l'homme d'aujourd'hui. Aurelio Galfetti