Profils et sculptures Constructeur, André Félix l'est comme on respire. Constructeur inventif qui plus est, puisqu'au long de sa carrière il ne s'est pas borné à seconder seulement les architectes dans leurs réalisations, en leur fournissant matériaux et techniques. En effet, grâce à un esprit pratique d'une redoutable efficacité, André Félix a mis au point divers éléments de fabrication qui sont intervenus dans l'édification de nombreux bâtiments modernes comme des apports nouveaux, aussi décisifs sur le plan architectural qu'au point de vue esthétique. Parmi la cinquantaine de brevets qu'André Félix a déposés, plusieurs inventions sont dignes d'attention, car elles continuent d'être employées avec profit, réduisant la main-d'œuvre et facilitant le travail qui allie practicité et harmonie. Citons, parmi bien d'autres, un support pour rayonnage permettant un réglage continu au millimètre près, évitant les systèmes à trous et à crémaillère d'une moins grande précision; un dispositif pour l'encadrement de panneaux de verre pour portes et vitrines qui offre l'avantage d'avoir, pour une porte, un seul montant visible (de 35 à 40 mm au lieu du double, voire du triple); des profilés à rainures en aluminium facilitant la construction dans les quatre directions sans percement-un procédé inspiré du jeu Lego. Relevons également la création d'une charnière pour porte, d'une esthétique nouvelle. Ces charnières sont encore visibles à l'aérogare de Cointrin à Genève. André Felix
Y a-t-il vraiment tant de différence entre l'artisan et l'artiste ? Le technicien n'est-il pas tenté parla rêverie qui, souvent, fait de lui un inventeur? Que l'invention soit poétique ou scientifique ferait que l'homme dont on dit «il a la bosse» l’aurait dans la tête ou dans le cœur! Toepffer l’aurait dit mieux que moi, lui qui parlait du sixième sens avec tant d’humour. Ces mots me viennent à l’esprit lorsque je vois les rêveries du parfait technicien qu ‘est André Félix se muer en œuvres libres alors que, jusqu'à ce jour, il ajustait avec précision des profils millimétrés. Voilà notre savant devenu poète, notre artisan artiste, notre scientifique irrationnel! Mais où sont les limites des disciplines diverses qui font de l’homme tel ou tel type ? Fragiles, incertaines, fluctuantes, les disciplines ressemblent à un ciel nuageux qui devient tout à coup clair ou sombre. Ainsi, selon le temps ou l'humeur, l'âge de sa vie, l'homme perçoit des espèces de démangeaisons ou de poussées actives qui animent ses doigts et qui lui font écrire, dessiner, peindre, sculpter ou jouer la comédie. A ce moment, H laisse tomber sa pioche ou son théodolite, son four à pain ou son sac postal, sa logique ou sa fortune, ses amis (peut-être), ses soucis, ses calculs et se livre au plaisir ineffable de marteler un bout de fer, de pétrir de la glaise, de faire des vers, de jouer de la flûte. Et cette passion lui fait oublier tant de choses qu77 se trouve enchanté, déplacé dans son espace, modifié. Son esprit change et même ses yeux n 'ont plus la même couleur. Les œuvres d'André Félix sont le résultat de cette métamorphose. J.-M. Ellenberger, architecte
Nombreux sont les bâtiments qui ont bénéficié, en Suisse et à l'étranger, de ces innovations techniques. A Lausanne, une façade rideau à Villamont (qui sera prochainement détruite) est la première à avoir été exécutée dans cette ville autour des années cinquante. Elle illustre une esthétique nouvelle en architecture fonctionnelle, qui s'est largement développée par la suite. Les autres inventions, dont les profilés plats qui permettent de réaliser toutes sortes de revêtements, ont été abondamment utilisés pour créer des façades. On n'en finirait pas de décrire les diverses inventions d'André Félix. Elles ont touché notamment les façades, fenêtres et en particulier l'isolation des profilés et toutes sont destinées à simplifier le travail en assurant aux bâtiments une esthétique très pure, dépouillée de détails anecdotiques. Simplification est le maître mot d'André Félix. Et lorsque le constructeur-presque naturellement a-t-on envie de dire-se tourna vers la sculpture, son vocabulaire formel a été marqué par son expérience professionnelle. Cherchant sa voie dans la troisième dimension dès 1983, André Félix s'attacha d'abord aux formes et matériaux qui lui étaient familiers, le laiton, le cuivre, l'acier, s'enroulant en de minces bandes de métal virevoltant. Le profilé plat, échappant à sa fonction architecturale, devenait relief, prétexte à entrelacs, jeux de lumière et de reflets. André Félix expose pour la première fois, dans l'entrée du Théâtre de l'Octogone à Pully, des pièces qui restent encore liées au mur pour la plupart. Mais l'évolution est rapide et les sculptures se détachent peu après des parois, toujours formées de bandes plates, puis s'organisent en surfaces plus vastes et plus compactes, toujours définies de manière purement géométrique. En 1985, sous le titre «Sculptures dans la ville», André Félix donne à voir ses premières pièces monumentales sur la place de la Palud à Lausanne. Il investigue de plus en plus les possibilités expressives de la plaque métallique, coupée, enroulée, s'aventurant plus librement dans l'espace. Au fil des expositions, l'élégance se fait plus nerveuse, la recherche de l'équilibre géométrique plus audacieuse.
Faut-il dire que, constructeur, André Félix devait inévitablement rencontrer le constructivisme comme mouvement artistique ? Le fait est que ses sculptures, de plus en plus ascétiques, se débarrassent d'une linéarité aux méandres immédiatement séducteurs, se simplifient encore, renonçant à tout anecdotisme pour une approche formelle et symbolique plus vigoureuse et suggestive. Ses pièces les plus récentes, installées dans des dimensions moins confidentielles qu'à ses débuts, sont effectivement marquées par l'esprit du constructivisme, tel qu'il s'est développé notamment chez un sculpteur comme Antoni Carro. Leur principe, qui est l’utilisation de la plaque de métal travaillée sans adjonctions d'éléments rapportés, reste fidèle au besoin viscéral de simplicité d'André Félix. Une simplicité qui se fait et se veut de plus en plus radicale, d'une austérité pourtant sans sévérité et d'une tension sans aridité, secrètement généreuse dans ses mouvements géométriques cassés, déchirés et recomposés. Dominique Vollichard
Ingénieurs et architectes vaudois SVIA Le professeur Jean-Claude Badoux et l'éditeur Anthony Krafft ont été nommés membres d'honneur de la Société vaudoise des ingénieurs et architectes, au cours de l'assemblée générale extraordinaire que celle-ci a tenue le 31 octobre dernier au Château de La Sarraz. Jean-Claude Badoux est professeur à l'EPFLoù il a fondé l'Institut de la construction métallique, centre de recherches reconnu dans le monde entier. Anthony Krafft, après avoir publié la fameuse publication Architecture, Formes + Fonctions, de 1956 à 1972, a créé cette année-là notre revue AS, Architecture Suisse et publie depuis 1979 la publication internationale AC Architecture Contemporaine. Il a réalisé de nombreux ouvrages sur l'architecture et particulièrement cette année, pour la Bibliothèque des Arts, Editeurs à Paris et Lausanne, «L'actualité du rationalisme» d'Alberto Sartoris et«Pourune nouvelle architecture»de Daniel Grataloup. (Réd.) VERLAG — ÉDITIONS ANTHONY KRAFFT