L'architecture sur la place publique Etrange, tout de même, qu'il faille instaurer des distinctions pour que l'architecture soit remise à l'endroit qu'elle n'aurait jamais dû quitter: la place publique. D'autant qu'elle y est bel et bien, sur la place publique, puisque c'est elle qui la dessine. Mais depuis la fin des années soixante, c'était comme si presque plus personne ne la regardait ni ne prenait conscience qu’elle modèle notre environnement, cadre nos regards, conditionne notre relation à l'espace urbain. Presque personne, sinon pour condamner en bloc le bétonnage du paysage et l'absence d'âme de l'habitat moderne. Quand en 1985 les quatre associations professionnelles vaudoises (FAS, FSAI, SVIA et GPA/UTS) ont créé la Distinction vaudoise d'architecture, c'était d'abord avec cet objectif paradoxal: remettre l'architecture au milieu de la ville. Et du débat. Avec pour corollaire la promotion, dans un canton qui bat à peu près tous les records de coercition en matière de règlements de construction, d'une architecture de qualité et la mise en évidence de l'importance du rôle du maître d'œuvre. La première édition de la Distinction, décernée en 1986, avait embrassé dix ans de construction en terre vaudoise: 1974-1984. Les premiers concepts voyaient le concours annuel ou biennal, mais la rapidité du tempo a d'emblée fait craindre un rapide essoufflement des groupes de travail et l'impossibilité de le mener à bien dans des délais si courts, d'autant qu'il est prévu d’accompagner chaque édition d'une publication, afin de constituer, sur le long terme, une documentation précise autant que précieuse. C'est donc sur quatre années: 85, 86, 87 et 88, que s'est penché le deuxième jury (entièrement renouvelé) de la Distinction. 108 dossiers, tous édifices et travaux de restaurations confondus, lui étaient parvenus, auxquels il en a lui-même ajouté 9. Il a visité un tiers des «objets», candidats en a sélectionné 18, accordé une mention à 6 et décerné une distinction à 3, sans toutefois atteindre l’unanimité parfaite. Pas de Le Corbusier vaudois pour l'instant donc, s'il faut l'en croire. L'histoire jugera ! Mais par contre, beaucoup de bâtisseurs intéressants qui sont en train de placer dans un paysage construit trop souvent mou et morne des accents affirmés qui renouent avec le goût du dessin et le plaisir de la forme.
Au palmarès 89, trois réalisations se partagent sans hiérarchie le podium des honneurs: le centre de vie enfantine de Valency à Lausanne, signé Rodolphe Lüscher et commandité par la Ville de Lausanne;