Architecture Suisse

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Pour le béton

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Il est presque indécent, aujourd'hui, de plaidoyer en faveur des constructions en béton et plus particulièrement en béton apparent. Pour nous, à l'Atelier 5, ce n’est pourtant pas le cas. Nous n'avons pas le moindre scrupule à présenter nos réalisations en béton. Nous trouvons ce matériau pratique, beau et vivant. Nous estimons qu’il appartient à notre époque et qu'il représente une partie de l’architecture. Si l'on prend la peine de se pencher une fois sans préjugé sur le béton, on s'apercevra alors qu'il a fortement marqué l'architecture moderne, celle de notre époque et non celle que l'on édifie maintenant mais qui n'est qu'une réplique de ce qui existait déjà. La capacité du béton à porter des charges, en tant que piliers, enveloppes, caissons ou coques, ainsi qu'à remplir tout à la fois le rôle de sol, de plafond et d'élément de séparation des volumes, permet une interprétation spatiale, capitale pour la construction actuelle. Au lieu de devoir penser série de caissons fermés par des parois, halles de colonnes et de portiques, au lieu de devoir s'attarder sur la dialectique presque vieillote déjà concernant le problème de porter et d'être porté, on peut désormais imaginer des suites d'espace, des entrelacements horizontaux et verticaux au sein d'un ensemble. L'architecture devient plastique et spatiale, elle cesse de n’être que façades et caisses.

Une deuxième caractéristique du béton, importante à notre avis, est qu'il permet de construire de manière monolithique et que ce seul matériau suffit presque à réaliser entièrement des ouvrages très complexes. Cette caractéristique est primordiale dans le cas des agglomérations, des ensembles denses où l’espace extérieur fait partie des bâtiments autant que les unités d'habitation elles-mêmes. En d'autres termes, elle est primordiale chaque fois qu'il s'agit de lier l'extérieur et l'intérieur, parce que les deux font partie d'un tout. Mais elle est capitale aussi lorsqu'il faut concilier des programmes d’habitation très divers et des fonctions différentes tout en préservant une unité. La limitation à quelques matériaux est une vieille recette permettant d'assurer une cohésion dans un ensemble nécessairement complexe. Les villes et les villages méridionaux en sont des exemples typiques. Le béton n'offre pas seulement la possibilité de se limiter dans le choix des matériaux, mais il permet aussi de renoncer aux couvertures en tôle, aux bandes de protection et même aux encadrements de fenêtres. Des possibilités qui confèrent toutes une utilité évidente à ce matériau et qui permettent de conserver une simplicité dans les détails.

Une troisième caractéristique du béton nous fascine: son caractère de matériau primaire, «naturel». Le béton porte les traces de son origine et il se modifie avec le temps. Il s'érige sans contrainte, semblable à un caillou dans son environnement auquel il s'intégre tout naturellement. Il s'accorde à la nature aussi bien qu'à l’environnement urbain. Il est clair que l'on peut aussi faire mauvais usage du béton. On peut le lisser, l'enduire, le bossuer ou le former, ce qui le détruit à proprement parler, comme le bois dont on fait d'abominables imitations de plastique.

Qui sait si ces arguments plaident suffisamment en faveur du béton, si nos réalisations vont suffir à démentir les nombreuses critiques dont il fait l'objet ? Chacun en jugera par lui-même. Nous ne pouvons d'ailleurs pas expliquer exactement nous-mêmes la raison de notre prédilection et de notre fidélité à l'égard de ce matériau. Il est probable que nos débuts et nos «parents spirituels», à savoir Le Corbusier et ses travaux d’après-guerre, y soient pour beaucoup. Seul toutefois le temps peut faire naître une prédilection, comme le relève justement Franz Fuegg: «Si la limitation du nombre des moyens est l'une des rares recettes assurant la qualité en architecture, il s'y ajoute pourtant encore un élément: la limitation de longue durée au même moyen, car seule l'expérience permettra à l'architecte d'acquérir l’aptitude à utiliser le moyen choisi conformément à ses lois naturelles intrinsèques.»