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Les règlements: pléthore, pour quels objectifs ?

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(Notes à propos du séminaire ASPAN du 28 octobre 1987 à Nyon sur le thème: «Simplification des règlements de construction et d'aménagement?» par deux praticiens architectes, MM. M. VionnetetG. Collomb. Parmi d'autres interventions. Us y ont présenté, sous forme résumée, l'un les généralités, l'autre la promenade dans l'environnement construit au moyen des nouveaux règlements tatillons.)

«Il ne serait pas normal qu'un artiste se plie à exprimer, à donner une forme belle à des mondes spirituels qui ne lui sont pas propres, ou bien qu'il renonce, pour des raisons d'opportunisme, à exprimer le monde en lequel il croit. Cela peut arriver par peur des persécutions politiques, par calcul économique, commercial, cela peut arriver par superficialité conformiste. Lorsque cela arrive, l'on finit dans l'immoralité (...). L'homme n'est pas fait seulement de problèmes politiques, économiques et sociaux.» Adriano Bausola, recteur de l'Université catholique de Milan, cité par «Il giornale»du 7 septembre 1985.

Généralités Le phénomène de répression de l'architecture par des dispositifs formels et réglementaires est évolutif et empire chaque jour. Il est actuellement manifeste dans beaucoup de petites agglomérations qui doivent résorber les excédents résidentiels des grands centres. Les mentalités indigènes peu préparées au développement qu'elles désirent pourtant, essaient d'absorber les constructions nouvelles en prescrivant grandeurs, dimensions, formes et couleurs. La liste des ingrédients légaux employés à cet effet n'est inspirée que d'une image rurale passéiste aussi rassurante qu'artificielle et fausse. Dans les grandes villes également, certains mouvements rétrogrades exercent maintenant des pressions pour réduire les architectes à l'état de copistes des styles anciens. On peut se demander jusqu'à quand les responsables de l'aménagement pourront encore compter sur des appuis éclairés, et résister à la démagogie du traditionnalisme de pacotille. Dans la plupart de nos communes (les grandes villes mises à part pour l'instant), les règlements à tendance coercitive sur le plan de la forme et du matériau sont apparus dans les années 60. Ils ont été «perfectionnés», au gré de révisions successives, et ceci continuellement dans le sens d'une expression reproduisant caricaturalement, superficiellement et sans authenticité l'aspect du monde agricole ou historique. Afin d'éviter une attaque frontale contre les caractéristiques d'une architecture nouvelle qui ne se laisserait pas aller au mimétisme, l'on a augmenté de façon insensible mais constante le nombre des articles, et ceci au fur et à mesure qu'apparaissaient sur le territoire des exemples d'architecture novatrice. Nous en sommes aujourd'hui au point que le cumul de tous ces dispositifs forme une nébuleuse d'interdits dessinant un véritable appareil de censure. L'aspect de céphalopode de bien des règlements communaux actuels se détecte aux tentacules suivants: a) Ils prescrivent: - l'implantation centrale sur la parcelle; -des limitations de gabarits et de longueurs de façades; - les toitures à deux pans indépendamment de toute notion d'espace, d'usage, d'emprise des volumes dans le paysage; - les rapports de longueurs entre les deux pans, de façon absurde; - les pente de ces toitures; - le genre et la couleur des tuiles; - la présence obligatoire et la dimension des avant-toits; - la proportion, la forme et le nombre des ouvertures en toiture, quand ce n'est pas en façade; - les volets traditionnels. De plus, ils interdisent: - les toits plats ou à un pan; - les constructions en bois; - les pilotis; - les matériaux modernes et légers; - les implantations et les dispositifs favorisant l'intimité de zones extérieures privées. La liste des interdits touchant l'expression formelle et l'apparence des matériaux pourrait être encore longue et elle s'accompagne toujours de mesures de police: la démolition et l'amende pénale. Le modèle de référence de la légalité est devenu celui de la maison «dans le style du coin», pâle mimétisme de la ferme agricole, rétrécie sans complexes à la taille d'un appartement citadin. L'idée d'intégration ne se borne plus qu'à imposer la reproduction alors

qu'il devrait plutôt inviter à la différence savamment amenée. Tout autre moyen plus subtil d'y parvenir est donc rejeté, car il mène à l'insolite et peut être générateur de précédents subversifs. En plus de cela, l’expression juste des technologies d'aujourd'hui est crainte, voire supprimée. Des formes modernes coïncidant souvent avec le formidable élan culturel des années soixante, (correspondant, par exemple, en Suisse à l'inventivité qui fit l’intérêt de l'Exposition nationale de 1964) sont bannies ou simplement interdites. L'effet de ces dispositifs, outre qu'il représente un gaspillage des compétences intellectuelles des architectes formés dans nos écoles est un frein économique considérable. Socialement, c'est un anesthésiant du débat culturel. Et, pour apprécier l'étendue des dégâts de cette façon de voir, un petit rappel paraît ici nécessaire: qu'est-ce que l'architecture ? La réponse est souvent: c'est l'art de bâtir, ce qui est un peu court. En fait, il s'agit de l'art d'organiser le rapport entre la structure portante et les enveloppes d'espaces pour un usage déterminé et dans un lieu donné. C'est donc une activité de synthèse, prenant en compte les données du thème du site et des matériaux. Il est aberrant de penser qu'un travail aussi complexe puisse être réglementé, voire régenté. Aucune profession ne connaît une contradiction aussi flagrante; d'un côté l'exigence d'une formation universitaire permettant d'initier l'étudiant à une maïeutique très subtile, de l'autre celle de construire en épousant des modèles surannés. C'est ce que l’on peut appeler du gaspillage ou du refus de compétence professionnelle et l'on est dès lors en droit de se poser deux questions : - pourquoi exiger un architecte pour signer des plans ? - quelle est la part qu'un architecte apporte en plus, de façon globale, à la construction banale, depuis la conception générale jusqu'au détail ? Force nous est de constater que la plupart des objets bâtis, maisons individuelles en tête, ne sont pas l'expression de cet art mais plutôt la reproduction servile de modèles contingents sans adaptation particulière au thème ou au site. C'est ce que l'on peut nommer la production sociale moyenne, l'expression moyenne des besoins domestiques traduits par des bâtisseurs moyens. Conséquemment, il y aurait deux activités à distinguer; celle des bâtisseurs d'objets banals et celle des architectes. Or il se trouve que c'est l'activité des architectes qui est entravée par les règles qu'on croit nécessaire d'appliquer à l'activité des bâtisseurs d'objets banals. L'illusion du règlement, c'est de prétendre qu'il obtiendra l'«harmonie»par la répétition d'un modèle socialement admis, parce que supposé plaire à une majorité votante: la «villa vaudoise», dérivé local de la villa dans le style de l'endroit, mais exportable partout ailleurs moyennant des accomodements «de minime importance». Ce concept d'harmonie par la soumission obligatoire aux poncifs énoncés plus haut épargne pour quelque temps encore les constructions publiques ou institutionnelles. Mais déjà des signes de débordement dans ce type de constructions exceptionnelles apparaît, et il n'est plus rare de voir des toitures à pignons en croupe recouvrir des programmes sans rapport avec le logement individuel, simplement parce qu'il faut couper court à tout «précédent», bête noire des contrôleurs de l'expression architecturale, menace inquiétante du savoir architectural sur la routine moyenne. De plus, si l'on parcourt aujourd'hui nos campagnes, l'effet esthétique de développement patronné par la réglementation pléthorique est désastreux, les zones de maisonnettes, pompeusement appelées zones villas, sont les laideurs cutanées de nos campagnes, les locatifs les plus bourgeonnants, même déguisés maladroitement en hameau de Marie-Antoinette, envahissent la douceur d'un pays si émouvant, et prennent même place au cœur des zones dites «de village». Notre patrimoine est menacé par des projets folkloriques artificiels tandis que l'on empêche une vraie culture architecturale qui ne peut se faire que dans le progrès technique. L'urbanisme, c'est pourtant la science de la ville comme l'indique sa provenance étymologique. Mais les instruments du type«plan de zones et règlements qui les accompagnent empêchent tout développement structurel du système de la ville. Au réseau plurifonctionnel des rues, places, boulevards, passages et cours, on substitue la ségrégation des activités et même des genres d'habitation sur le territoire. En résumé, le règlement c'est l'expression d'un consensus qui croit pouvoir rationaliser l'aspect des constructions, mais c'est en vérité surtout la répression d'une démarche architecturale authentique et c'est encore l'interdiction de technologies 82.II

nouvelles. Autrement dit, c'est le frein au progrès et à l'économie des moyens. Les instruments tels que le «zonage» et son règlement sont donc inadaptés. Ils ne permettent pas de penser le développement du réseau humain de l'habitat, d'axer le développement sur le bonheur d'habiter de l'espace architectural et urbanistique, et conduisent seulement à un décor parfois digne de Cinecittà, de Disneyland, mais sempiternellement ressemblant à celui de n'importe quelle banlieue de ville de province. Pour parvenir à éviter cet écueil, les réseaux relationnels devraient être dessinés, les espaces vides étudiés. Les règlements devraient être simplifiés en les débarrassant de leur bric-à-brac de recettes formelles. Ils ne devraient porter que sur des affectations préférentielles et des coefficients. Petite promenade dans cette nouvelle réglementation Ces vues voudraient faire naître une prise de conscience sur la réalité de l'environnement construit, que les règlements draconiens permettent et cautionnent. Comment expliquer la minceur du résultat esthétique et architectural obtenu à partir de cet appareillage lourd, coûteux et contraire à la liberté d'expression artistique, qui est pourtant un sous-chapitre des Droits de l'homme.

Ce sont des constructions hors de toutes règles, constituées à partir de besoins humains extrêmes. Leur attrait vient de ce que la vie réclame de plus essentiel : un habitat qui fait plaisir à vivre en offrant certains contacts sociaux. Densité, distance, formes et matériaux, surfaces, percements, voirie, etc., tout a été inventé avec spontanéité, sans ces préjugés paralysants, ordinairement à l'origine de la réglementation officielle. Les utilisateurs y semblent à l'aise, malgré un taux d’occupation du sol élevé. Là, point de distances aux voisins, de circulation automobile dévoreuse de tout ce qui accentue le sentiment d'échelle dans les dimensions des cheminements extérieurs, point de formes de toiture préconçues, point de matériaux proscrits, point de distances aux forêts (le quartier illustré fusionne entièrement avec les arbres), point de règles de surfaces minimales au sol. Les cloisonnements entre propriétés assurent la protection de l'intimité familiale. Quelques échappées majeures sur le paysage sont toutefois ménagées. Chaque recoin de terrain a été déterminé pour un usage vital, privé et agréable. Malgré un aspect de marginalité, c'est le lieu d'une grande convivialité et un sujet de tourisme dominical pour les familles citadines. Il y a là l'expression d'une qualité de vie certaine qui fait ordinairement défaut ailleurs. Ce que l'on décèle dans l'habitat sauvage d'aujourd'hui se manifeste aussi curieusement dans l'habitat tant admiré de nos vieux bourgs. Le vrai héritage du passé - non pas le mythe aseptisé qu'ont fabriqué beaucoup de ses soi-disant défenseurs-cumule d'innombrables points pourtant essentiels à leurvaleur architecturale, qui sont cependant d'intolérables exceptions aux vues étroites des règlements d'aujourd'hui. Ces tissus bâtis sont capables de réunir les règles et les exceptions. Cet équilibre découle d’une juste utilisation des moyens à disposition, employés avec spontanéité et bon sens, utilisant toutes les ressources du parcellaire dans tel site et de la simplicité des matériaux. Jadis, un plan de développement était capable d'admettre et d'encastrer l'une dans l'autre des situations, et ensuite des expressions différentes. Révélateur de ces époques, la façon d'éviter l'écueil

d'indiscrétion sur lequel s'échouent les tentatives les moins sensées d'habitat groupé: que le «chez soi» ne devienne un impudent«mon nez chez mon voisin». L'histoire a livré maints exemples où coexiste une répartition heureuse entre le collectif et l'intime, sans recours au passage obligé, au coercitif dans les cheminements, par exemple.

Le thème du toit plat trouve un modèle dans la tradition : ici la séculaire esplanade du Château de Nyon. Das Motiv des Flachdaches findet ein Modell in derTradition : hier, zum Beispiel, der uralte Vorplatz des Schlosses Nyon.

De plus, l'observation attentive des constructions agricoles d'autrefois montre des volumes audacieux, de surprenantes mises en œuvres de matériaux, des organisations que l'on craindrait d'admettre aujourd'hui, à la lumière des règlements prétendument inspirés de la leçon du passé. Celui-ci, contrairement à ce que voudraient nous faire croire ses exégètes, foisonne d'effets de terrasses plates et accessibles, parfois plantées, insérées avec à-propos, même dans les sites les plus beaux, de toits à un pan, aux géométries et aux rencontres les plus inattendues, d'éléments en porte-à-faux, de façades complètement aveugles, trop longues au goût actuel du législateur, de hauts murs de propriété, pleins de mystère, bannis de notre «urbanisme» actuel, d'implantations au fil de la limite de parcelle, d'emplois pittoresques de matériaux de toutes sortes à l'état naturel, sans fard, comme la tôle oxydée uniformément rouge et mate, le plomb, la végétation joyeuse, les verrières généreusement dimensionnées sur des toitures constituées de volumes francs, passerelles lancées en pleine ville au-dessus de ruelles, implantations en limite de propriété, zones couvertes extérieures, etc. En fait, l'héritage du passé est synonyme d'une grande liberté à partird'un minimum de paramètres simples découlant du bon sens, dont découlent spontanéité et fraîcheur et la capacité d'absorber avec justesse toutes les adjonctions et les corrections que les usages imposent, jusque dans les aménagements extérieurs. Et c'est précisément ce qu'émondent impitoyablement les règlements en prétendant qu'ils s'inspirent justement du passé, selon une cohérence tout formelle, éloignée de fondements rationnels. Ainsi, certaines des œuvres locales du passé les plus adulées tomberaient aujourd'hui sous le coup de la loi.

B) Le «réglementaire» (la villa et sa zone) A partir d'un modèle mimétique induit de la ferme locale, le règlement voudrait imposer l'harmonie par l'uniformité de l’allure générale, ou éviter au moins la disharmonie par le contrôle des formes et des matériaux.

Mais c'est l'échec: la banalité fleurit, le paysage est défiguré, la «zone villa» n'est pas une structure habitable au sens le plus évolué du terme, c’est seulement un assemblage casuel de cellules isolées pour un séjour de banlieusards. 82.IV

L'architecte et l'architecture patrimoniale, une question de comportement Charles-André Meyer, architecte EPFZ/SIA/FAS, Sion L'héritage du passé - Le problème posé - Constat - Thèses - Stratégie Avec un exemple réalisé par l'auteur: Transformation de l'Evêché de Sion 12 illustrations en pleine page Préface d'Alberto Sartoris Réhabiliter n'est pas reconstruire, restituer ce qui a disparu, refaire ce qui a existé, reproduire des erreurs du passé ou élever ce qui n'a jamais été édifié. Telle est, en somme, la thèse fondamentale, bien qu'exprimée en sourdine, et à la fois architecturale, culturelle et sociale, que Charles-André Meyer a soutenue avec bonheur dans son remarquable essai sur l'architecture patrimoniale. Brochure laminée deux couleurs, 16,3 x 23 cm, 80 pages Fr. 24 - (Fr. 20 - pour abonnés AS) Parution mars-avril 1988 Expédier sous enveloppe affranchie aux Editions Anthony Krafft 1009 Pully/Lausanne, 13, av. du Tirage, tél. (021) 28 04 62

JE COMMANDE exemplaire(s) de la brochure Charles-André Meyer, « L'architecture patrimoniale» au prix de Fr. 24 - + port et emballage, Fr. 20 - pour abonnés AS exemplaire(s) du volume «AC Architecture Contemporaine» N°...... (voir au verso) Fr. 85.- (Fr. 78 - pour abonnés AS) exemplaire(s) de la brochure Alberto Sartoris « L'actualité du rationalisme» au prix de Fr. 27.-+ port et emballage, Fr. 23 - pour abonnés AS exemplaire(s) du volume Daniel Grataloup « Pour une nouvelle architecture» au prix de Fr. 60 -+ port et emballage, Fr. 50 - pour abonnés AS m / Name

La conception résiduelle de leurs espaces verts donne un sentiment de surveillance diffuse. Ses utilisateurs sont en vitrine pour leurs voisins, elle n'est pas un lieu de vie car le mélange entre intimité et vie collective n'est pas dosé au profit du libre choix de l'habitant. Les lieux sont impropres à toute nuance dans l'usage social, les espaces verts «privés» sont livrés sans vergogne au regard des voisins. La monotonie et la rengaine architecturale émanent des volumes : la lourdeur des précautions techniques exagérées apesantit les détails constructifs; on tente de rafistoler les apparences résultant de la pauvreté de conceptions, par l'accomodement de quelques restes, de quelques clichés décoratifs attristants. En guise de papiertournesol de ces assertions, l'on dénote que les promeneurs du dimanche fuient ce genre de paysage de peur d’exposer leur petite famille au déprimant ennui qui s'en dégage. Dans ces zones particulières, la tolérance réciproque tend à disparaître car les occasions de commettre des incursions, surtout visuelles, dans les autres propriétés sont inévitables. Sans conception architecturale et urbaine adéquate, la menace d'indiscrétions mutuelles devient un souci permanent. C'est aussi le réveil brutal dans la réalité de la campagne: pour continuer ce rêve, le citadin déporté volontaire à la campagne voudrait une agriculture mythique aseptisée où étables, écuries, basses-cours, ces piliers de notre alimentation citadine, seraient remplacées par des fermes-palais aux allures de calendriers de Noël. Dans celles-ci, pour le confort de la ville à la campagne, les bovins seraient quotidiennement étrillés, les coqs rendus aphones, la fumure neutralisée au parfum de violette, pour faire reculer un peu plus loin la brutale rencontre avec la réalité et ménager leur petit confort. Au lieu de cela, il faut endurer autour de sa case indigène la prolifération de nouvelles constructions sans goût ni sensibilité, les bruits agricoles intempestifs, les migrations incontrôlables d'effluves à la senteur bucolique, les servitudes imposées par une météorologie capricieuse et impitoyable, et les cortèges cycliques de trafic automobile dans un réseau routier inadapté... Dans ce cadre de réflexions sommaires et expéditives que dictent les versions actuelles du règlement, il serait vain de penser que l'habitat groupé puisse apporter une alternative: de plus en plus, on vide cette idée de tout contenu capable d'aboutir à une proposition performante, architecturalement crédible: les cellules d'habitation sont expurgées de tout aspect vraiment déterminé par la vraie culture technique de notre époque, car ceci passe pour insolite. On balaie par exemple le rapport nécessaire entre intérieur et extérieur, et par la contrainte on soumet l'allure externe de l'habitat groupé le plus avancé, aux coutumières singeries du décor pseudo-paysan en application dans la zone villas. La raison est apparemment juridique: l'idéalisme doctrinal exige que l'on censure toute expression qui introduirait de bouleversants «précédents» dans le ronronnement de la banalité, car un relâchement de la surveillance des formes et des matériaux compromettrait gravement la sécurité de cette dictature sur les espaces architecturaux et sur le goût. En effet, cette évacuation d’éléments affirmés affecte presque toujours la qualité des espaces. Ceux-ci, qui découlent d'un travail de synthèse proposent des dispositifs architecturaux nouveaux. Mais par l'extension d'injonctions erronées l'on corrompt ces nouvelles formes d'habitat par l'imposition de clichés obligatoires de la zone villas. Ainsi l'habitat groupé, pourtant promu à l'origine par des exemples audacieux, se trouve réduit à une chaîne saccadée d'appartements individuels banals, sommairement soudés les uns aux autres par les pignons pour former des serpentins insipides affublés d'un éteignoir sombre: le toit à deux pans. Le locatif et sa zone procèdent de la même démarche que celle de la maisonnette pompeusement nommée villa. C'est le modèle de la super-villa ou de la super-ferme, parfois même du super-habitat groupé totalement à côté du sujet. Le résultat n'est pas meilleur: les locatifs non seulement se regroupent en des zones de «quarantaine», mais ils s'infiltrent avec gaucherie dans la «zone village» pourtant consacrée, comme son nom devrait l'indiquer, au maintien de la structure du bâti authentiquement rural.

Toutes ces règles, on les justifie en prétendant qu'elles sont de nécessaires «garde-fous» (où sont les gardes, où sont les fous, dans l'histoire ?) Mais elles n'arrivent pas à éviter la laideur et la médiocrité. Par contre, par leur cumul croissant, elles interdisent la reproduction de modèles et de techniques contemporaines. Les réflexions les plus fécondes d'architectes contemporains ne pourront plus inspirer qui que ce soit, car leur nouveauté crée trop de remous, de problèmes soi-disant démocratiques... Une petite expérience permet de situer l'ampleur de la censure exercée par le type de réglementation en cause. Par jeu et par simple curiosité, imaginez-vous de soumettre, comme pour un examen préalable de demande à bâtir, plans, coupes et façades d'un projet d'un architecte reconnu du mouvement contemporain, que ce soient Wright, Aalto, Mies van der Rohe, ou tant d'autres, et notez soigneusement, comme on le ferait dans une procédure de demande à bâtir réelle, ces vices rédhibitoires que constituent les caractéristiques les plus manifestes de l'architecture de ces grands maîtres à la lumière des exigences de ces règlements excessifs. Vous constaterez très vite que vous n'aurez pas le choix: il vous faudra renoncer définitivement à toute construction inspirée d'un architecte de talent, tant ces derniers emploient une franchise d'expression esthétique incompatible avec la petitesse de vues de certains règlements. Ou alors, pour y parvenir, vous devrez retrancher tant de caractéristiques essentielles à ces œuvres magistrales que vous en aurez bien vite estropié toutes leurs qualités architecturales. Regrettablement, c'est ainsi: ce que l'on apprend dans les écoles d'architecture, c'est tout ce qui est interdit par ces règlements-là, un peu comme si le seul savoir architectural à appliquer dans la vie professionnelle était celui de l'«Académie du Café du Commerce». Ce gaspillage pourrait se comparer à une situation où l'on exigerait des diplômés du Conservatoire qu'ils se limitent à composer exclusivement de la chansonnette lucrative après s'être initiés à toutes les subtilités de l'harmonie et du contrepoint.

D) Conclusion De la part des défenseurs du règlement musclé, l'on entend trop souvent le sophisme suivant: «Même dans le règlement le plus limitatif, il est encore possible de faire de la bonne architecture», ce qui ressemble approximativement à«Un athlète enchaîné à un boulet peut encore espérer battre le record du marathon malgré cette entrave !» Dans cette logique, il est vrai qu'il est parfois possible que quelques bons architectes aient réussi à construire héroïquement en respectant ces règlements draconiens... (A) ... mais même sans règlements pléthoriques et tâtillons, les bons architectes font aussi de la bonne architecture... (B) ...tandis que ces mêmes règlements de plus en plus «perfectionnés» n’empêchent pas la mauvaise architecture. Pire, ils la consacrent en lui conférant l'auréole de la légalité. (C)